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Sous Les Larmes Des Vierges
12 octobre 2006

Lucia ne peut pas s'empêcher

Les deux droïdes qui barraient l’entrée du cône avaient les mines patibulaires d’usage. L’entrée des visiteurs, par laquelle le lombric les avait digérés, était située au bas du cône. Le lombric, repu, s’était replié sur lui-même dans la paroi, en attente de nouveaux visiteurs.

Otto avait voulu un siège social tenant à la fois de la mitre et du cône, en guise d’affirmation de son techno-chamanisme baroque. Le résultat tenait plutôt de la termitière géante, avec les cônes annexes qui s’étaient ajoutés au pied du cône père. Un immense tore pivotait très lentement autour du cône, dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, à une hauteur nombredoresque du sommet. Le tore flottait magnétiquement et sa structure de verre orangée et striée n’était pas sans rappeler les anneaux de saturne. Les cônes annexes, sièges sociaux des filiales de la Ranx, devaient se contenter en guise de tores, de balustrades suspendues à des filins métalliques.

Le long des parois externes des cônes, petits ou grands, des veines jumelles fluorescentes saillaient, palpitantes et verdâtres, pulsant les employés vers les étages.

En s’approchant du droïde de gauche, Angus s’aperçut qu’il dodelinait légèrement de la tête, entamant un léger mouvement oscillant, entraînant jusqu’à ses épaules. Une prière ? Une litanie ? Quelque protocole abscond ? Celui de droite se mit en mouvement également, sa main était violemment secouée par son avant-bras comme pour s’en débarrasser. Lucia capta l’analyse d’Angus et interpréta : « Autisme ». Des droïdes autistes, toujours ce goût de Ranx pour les monstruosités artificielles. Les intelligences artificielles autistes avaient vraiment existé, conçues pour former des nurses principalement. A moins qu’il ne se soit agi de prouver que comparativement les IA ne l’étaient pas tant que ça … On a tous besoin de plus autiste que soit.

Le mouvement de tête s’amplifia à leur passage, il allait finir par se jeter sur le sol. Lucia s’approcha de lui et lui caressa l’épaule, en se servant des vibrations de son derme pour guider ses mouvements. Cela sembla l’apaiser ou tout au moins déclencher une nouvelle séquence, il se retourna. L’autre droïde accompagna ses tressaillements de cris qui ressemblaient à des postillons sonores projetés circulairement par une bouche démantibulée. Lucia lui parla, en vain. Mais quand il lui effleura la joue, en la zébrant du doigt, cela ne pouvait pas être que par maladresse, et il inclina la tête sur la droite, en un filet de bave silencieux. Angus commençait à bouillir, mais un regard de Lucia, très à cheval sur les rituels, le refroidit.

Les deux droïdes entamèrent alors un ballet presque gracieux, en tournant le dos aux trois invités, et revinrent quelques secondes plus tard avec chacun une joy-skin sur l’avant-bras. Leur démarche était devenue tout à fait ordinaire, une paire de majordomes au réveil, un brin mécaniques comme il se doit. Angus et Lucia se déshabillèrent et revêtirent les skins, qui prirent les couleurs de leurs états d’esprit. Ce n’est qu’après avoir machinalement palpé et pincé leurs nouveaux replis, comme des sharpeis sous cellophane, qu’ils réalisèrent que Tomo avait disparu.

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