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Sous Les Larmes Des Vierges
12 octobre 2006

Angus se fait une séance de batmobile fantôme

La limo s’éjecta du rail porteur et chuta obliquement en entamant un léger mouvement de balancier, façon plume rose alanguie, pour se poser sur la Ranx avenue.


Un énorme lombric annelé, une suceuse, émergea du bâtiment central et se dirigea vers elle. La limo s’immobilisa, hypnotisée, et les mâchoires de la suceuse ventousèrent le toit ouvrant. Un cliquetis grinçant, succion métallique, accompagna l’ouverture du sas. Les 3 humains furent gobés comme des œufs et placés sur un drone à la forme rappelant vaguement une chauve-souris bedonnante.


La paroi interne du lombric tenait du « wall of fame » à la gloire des séries épiques de la Ranx. Dans des niches aux tentures veloutées, des représentations 3D de personnages cultes se trémoussaient en paraphrasant leurs répliques clés. Au dessous d’eux, sous le bat-drone, une succession de décors aquatiques répondaient aux ciels tourmentés qui décoraient la voûte.


Seul Tomo appréciait vraiment la scène, au-delà du mauvais goût étalé. Les flots sous leurs pieds, respectaient scrupuleusement la chronologie des grands graphistes de la Ranx, les technologies s’enchaînaient, par paliers de progrès imperceptibles, ou par des inventions disruptives, ou des effets de modes éphémères relégués aux oubliettes numériques. Il se régalait. Se rappelait ses années de compétition, ses nuits sans fin, en nage, ses trophées de points au petit matin.


Lucia était presque absente du spectacle. Elle lisait mal Tomohiko, comme tous les connectés distraits, et Angus bougonnait face à ce rituel qui lui forçait la nostalgie. Encore un de ces moments où il enviait la cécité de Lucia, qui lui épargnerait la brochette de femmes à barbe de Barnum Land. Quelque chose d’obscène que de découvrir les icônes de son enfance en pantins gesticulateurs et obséquieux. Ses vieux fantasmes se dandinaient, là, dans leurs alcôves de pacotille,  refourguant leurs boniments : des guerrières dénudées sanguinolaient en pavoisant, sans ennemis, ni psychose meurtrière. Des druides lançaient des maléfices en boucle, autant de troubles obsessionnels compulsifs, en libidineuses toges blanches échancrées. Des elfes bandaient leurs arcs, comme des culturistes faméliques et un peu efféminés. Des baroudeurs sur membrés débordant de gadgets greffés invectivaient des dieux indolents, comme de bègues barbares d’apparat. Des orgies à blanc, des boucheries silencieuses, des génocides stylisés …


Même les lombrics ont un sphincter et l’orifice de lumière bleue électrique  expulsa Angus hors de sa nausée.

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