Quand Angus se réveilla, dans le télé-sas, la première chose qu'il fit fut de se plaindre. La compagnie de transport lui avait refilé un corps pourri, un corps de bouseux et jamais plus il ne voyagerait en low-cost.

D'habitude, il planifiait ses voyages longtemps à l'avance, et se faisait préparer un corps aux petits oignons. Il n'était pas fan de gadgets cosmétiques, ses clients s'en foutaient, et c'était trop lourd à gérer, il assumait son côté has been là dessus. Il lui fallait juste des hyper-sens, surtout la vue, l'ouie, et dans une moindre mesure l'odorat, selon les planètes. Quelques hyper-déclencheurs ne faisaient pas de mal pour pouvoir se battre en sortie d'interview musclée et éviter une mort trop lente, toujours coûteuse. Il avait juste deux demandes qui sortaient de l'ordinaire, et sur lesquelles il était intraitable : une base de donnée fraîche sur tous les aspects géopolitiques, économiques et médiatiques de la planète, et un enregistreur/accesseur ultra-performant de type EE-trees (emotionally enhanced tree) pour plonger dans la base entre deux mots au milieu d'une pensée. Pour le pénis, il ne donnait pas de consignes, et faisait confiance à ses statistiques, les compagnies étaient en général très informées sur ce sujet, et soignaient leur relation client, tourisme sexuel oblige.

Mais là, la mission lui était tombée dessus, quelques semaines avant les jeux, et il n'avait pas eu le choix. Il regardait ce corps musculeux et trapu dans la glace, velu comme un terrien des origines, et se demandait comment il allait bien pouvoir se le trimbaler le temps de la mission. Séquestré comme dans un tableau de Francis Bacon avec un corps à la con, à hurler dans une planète de sauvages.

J'ai bien connu Angus, surtout vers la fin de sa vie, et il avait toujours à se plaindre de son corps. Il avait accumulé assez de fortune personnelle - les bouches se cousent d'or c'est classique - pour pouvoir changer de corps à sa guise, comme un aristocrate. Mais il se plaignait sans cesse de ce que ses corps ne lui obéissaient pas, et lui parlaient mal.

Mais ce jour là, sur la planète des cinq lunes - une erreur de retranscription due au nombre de doigts du peuple colonisateur, car il y avait en fait 6 lunes - Angus grommelait contre ce corps grossier que lui avait fourni la compagnie. Il était le premier à s'être réveillé, comme d'habitude.

Angus se réveille

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